Quand vous lirez cette lettre, je serai mort,
Je viens d'avoir trente ans et plus vraiment toutes mes dents
J'ai tenté d'être heureux, j'ai parfois pensé l'être,
Ces fois où le soleil réchauffait assez mon corps,
Une fois ou deux au moins le soleil brilla au dehors.
Y faut pas m'en vouloir si j'ai pris le large,
Moi j'en veux à personne même si je finis dans une décharge,
J'étais trop essoufflé pour continuer,
Même en peinture je ne pouvais plus encadrer mon quartier,
De toute façon mon corps pesait trop lourd pour mes pieds.
J'pense à Elisabeth Martin,
A son sourire en coin, dans la cour de l'école,
Qui a fait exploser un matin
Mon coeur de p'tit garçon qui aimait pas l'école.
J'pense à Elisabeth Martin,
A son goût à la menthe, dans la cour de l'école,
Au baiser donné un matin
Au p'tit garçon que j'étais dans la cour de l'école.
Vous allez vous poser des tas de fausses questions;
Pas besoin de remords ni même de culpabilité,
J'ai un peu aimé, moins que vous sans doute,
Mais dans la vie, n'est-ce pas, faut aimer coûte que coûte,
Dans la vie faut aimer même si ça fait mal et que ça coûte.
Je n'ai pas contrôlé mon histoire mais j'ai choisi sa fin,
Très vite j'ai bien senti que pour moi ce serait un peu compliqué,
Et maintenant que je glisse dans un sommeil profond,
Je repense à mes débuts , à celle qui m'a fait croire
Pendant un court instant que la vie coulerait amoureusement.
J'pense à Elisabeth Martin,
A ses collants en laine, dans la cour de l'école,
A nos départs main dans la main,
Comme si nous étions tombés dans le même pot d'colle
J'pense à Elisabeth Martin,
Pas ma mère , pas mon frère, pas ma maîtresse d'école,
Celle qui a plongé un matin,
Sa bouche et sa langue dans ma bouche à l'automne.